« La liberté, aujourd'hui, c'est choisir de ne pas acheter ».
Hello Amélie ! Pourrais-tu nous parler de toi ?
Amélie : Je suis Amélie Deloche, consultante en communication et influence responsable. Je suis engagée depuis plus de six ans dans les enjeux de transition écologique. J’ai d’abord rejoint le collectif Pour un réveil écologique en 2018, puis je suis entrée en 2019 à l'Agence française de développement (AFD) pour sensibiliser les 15-25 ans aux enjeux du développement durable. En 2021, j'ai cocréé le projet Paye ton influence, qui vise à dénoncer les pratiques anti-écologiques des influenceurs et à faire évoluer les imaginaires portés par ce biais.
Pourquoi sommes-nous « esclaves » de la consommation ?
Amélie : L’industrie nous a fait croire que notre liberté individuelle passait par la consommation. Notre identité de consommateur a pris le pas sur celle de citoyens. On est constamment bombardés de messages qui nous disent quoi acheter, que posséder, et c’est devenu une forme d’asservissement. On achète notre « valeur sociale » en cédant à la dernière micro-tendance incontournable qui nous rendra « stylé ». On comble un manque, un besoin, crée artificiellement par la publicité et popularisé par les influenceurs qui crée une frustration telle qu'on DOIT obtenir cet objet.👉On lie notre bonheur à la capacité d'acquérir toujours plus et à ne jamais se satisfaire de l’existant. Pour s'en libérer, il faut comprendre que la liberté réside dans ce que l’on choisit de ne pas acheter.
Franchement, tu crois que l'influence éthique, c'est possible ?
Amélie : Oui, il existe déjà des influenceurs qui incarnent une forme d’influence éthique. On peut citer Swann Périssé, Globetolter, ou encore Lecoindelodie. Ils n’appellent pas à la surconsommation et ont tous décidé par exemple, de ne pas accepter de partenariats avec des entreprises liées à des secteurs polluants (comme la fast fashion, les compagnies aériennes, les marketplace type Amazon). Ils promeuvent aussi des modes de vie plus en adéquation avec les enjeux écologiques. Ceci dit, la bonne volonté de certains influenceurs ne suffit pas à transformer les pratiques de l’ensemble du secteur. C’est pourquoi les lois sont indispensables, comme celle contre la fast fashion, qui vise à interdire la publicité pour les enseignes comme Shein ou Temu, qui empêcherait les influenceurs d’en faire la promotion. Quant aux marques, elles doivent prendre leurs responsabilités : le monde de demain ne pourra se faire sur les modèles actuels.
« Cultivons ce qui ne peut pas s'acheter : les relations humaines, la connexion avec ce qui nous entoure... ».
Mais on fait comment, concrètement, pour ne pas succomber aux sirènes de la consommation ?
Amélie : Le premier conseil, je crois, c’est d’être moins sur les réseaux sociaux ! Plus on scrolle, plus on devient la cible des stratégies marketing... Une autre méthode serait de reporter l'achat. On se dit « allez, je l’achèterai demain » et souvent, cette pulsion est partie. Il y a aussi la méthode BISOU, qui consiste à se poser des questions avant d’acheter : Ai-je vraiment besoin de cet objet ? Est-ce que je peux attendre quelques jours ? Est-ce que j’ai déjà un objet similaire à la maison ?
Perso, j'essaye, mais chaque fois, je rechute... Et je ressens une énorme culpabilité. J'en fais quoi, de ce sentiment qui me pèse ?
Amélie : Accepter que l’on est imparfait est déjà un grand pas. On vit dans un système où la consommation est omniprésente et ça crée de la dissonance cognitive : on sait que ce n’est pas toujours en accord avec nos valeurs, mais on est constamment poussés à consommer. Ressentir de la culpabilité, c'est normal, et ça montre déjà qu’on en est conscient. Mais il ne faut pas se laisser paralyser par la recherche de la perfection.
L’important, ce n’est pas de tout faire bien, mais d’être plus réfléchi dans ses choix. Si on attend d’être parfait pour agir, on ne fait rien. Alors, au lieu de se culpabiliser, célébrons chaque petit progrès et avançons à notre rythme. Se poser les bonnes questions est essentiel : « Cette action a-t-elle du sens ? Me rapproche-t-elle de la personne que je veux être ? »
Est-ce que ça t'arrive de désespérer face à l'ampleur de la tâche ?
Amélie : Oui, bien sûr, presque tous les jours. Mais je pense qu’on peut réussir à trouver de la joie dans notre monde, même avec les défis auxquels on fait face. Cela passe notamment par le fait de cultiver ce qui ne peut pas s’acheter : les relations humaines, le temps passé à se ressourcer, les moments de partage et la connexion avec ce qui nous entoure.
L’essentiel, c’est de ne pas sombrer dans le fatalisme, mais de faire des choix chaque jour pour construire un avenir meilleur. On a un pouvoir individuel et collectif pour faire évoluer la société, et ça il ne faut jamais l’oublier. Redevenons des citoyens et pas juste des consommateurs, comme nous appellent les politiques.
Le saviez-vous ?
Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud, est un peu l'inventeur de l'influence (et de la propagande, sisi ohmagad). L’un de ses exemples les plus marquants fut la campagne qu’il a menée dans les années 1920 pour encourager les femmes à fumer, en associant les cigarettes à un symbole de liberté, d'émancipation et de modernité. Sympa, la psychologie qui sert le biz !