Jean-Baptiste Le Blan : de l'hôtellerie au Gravel, une révolution cycliste

Bonjour Jean-Batiste, pourrais-tu te présenter s’il te plaît ?

Je m'appelle Jean-Baptiste, j'ai 44 ans et je suis papa de deux enfants de 13 et 16 ans ! Je suis revenu il y a deux ans de Shanghai (Chine), où j’ai travaillé une dizaine d’années comme directeur marketing dans l'hôtellerie et la tech. C’est là-bas que j’ai redécouvert le vélo sportif.

En 2013, j’ai participé à un rallye cycliste organisé par le fondateur d’Accor, Paul Dubrule, entre Bangkok et Siem-Reap. Ce voyage de 400 km m’a redonné goût au vélo. Je me suis mis à faire de la compétition, je m’entraînais 25 heures par semaine, j’étais addict ! Et puis, un jour, cette idée de performance et de comparaison ne m’a plus intéressé.

Je me suis acheté un vélo gravel, je suis tombé amoureux de ce modèle hybride et super polyvalent. J’ai compris que ce que j’aimais, c’était les voyages à vélo.

Dès 2017-2018, j’ai parcouru l’Asie, l’Europe, même le Maroc. Je prenais un plaisir fou à découvrir des endroits un peu perdus, en totale autonomie, avec un sentiment d’immense liberté, seul ou avec 2-3 copains.

C’est comme ça que tu as eu envie de créer Gravel Up ?

Oui, quand je suis rentré en France, j’ai eu envie de monter une entreprise dans le sport. J'avais pas mal de retours autour de moi de gens qui me disaient : “Je rêverais de faire ça aussi, mais je n’ose pas”. En creusant un peu, je me suis compte que les gens n'avaient pas peur de leurs limitations physiques ou de l'aventure en tant que telle, mais qu’ils étaient freinés par la partie logistique.

Alors j’ai contacté deux anciens copains de Shanghai avec qui je faisais du vélo, Olivier et Aurélien. Ensemble, on s’est associés et on a créé Gravel Up** , une agence de voyage qui propose des aventures à vélo maîtrisées. C’est-à-dire totalement gérées par nous, avec toute la logistique (hébergement, restauration, déplacements, activités) et un guide local pour nous faire découvrir chaque patrimoine unique du territoire français.

« L’idée maitresse de Gravel Up, c’est de faire redécouvrir un territoire grâce à un guide »

Que propose Gravel up exactement ?

On propose des aventures dans 8 destinations. Pour chacune, on a deux formats. Un court de 3 jours, qui se déroule autour d'un camp de base. Et un format plus long, en itinérance, qui dure généralement 5 jours mais qu’on peut personnaliser jusqu’à 10 jours.

Dans tous les cas de figure, 2 personnes de notre équipe encadrent l’aventure. Une dédiée à la partie logistique, et un guide local, qui connait le territoire comme sa poche. C'est fondamental parce que l'idée principale, l'idée maîtresse du projet, c'est de t'emmener redécouvrir un territoire avec son guide.

Qui sont les aficionados de Gravel Up ?

On a plusieurs types de clientèles. La première, qui a constitué 50% de notre activité en 2023, ce sont des groupes de 8 à 12 personnes, qui ne se connaissent pas et qui s’inscrivent individuellement. Dès que nous avons 7 inscrits, nous confirmons le voyage.

La deuxième, c’est quelqu’un qui a envie de privatiser une aventure Gravel Up avec des amis. Donc on construit l’aventure sur mesure, en faisant des adaptations par rapport au niveau, au nombre d’heures passées sur le vélo, pourquoi pas en intégrant d’autres activités la journée.

« 70% de nos clients ne sont pas pratiquants de vélo sportifs : ils ont juste soif de découverte et d’outdoor »

Que viennent chercher tes clients ?

On pensait s'adresser principalement à des cyclistes pratiquants, alors que ça ne représente que 30% de nos clients. La majorité a simplement soif de découverte, d'aventure, d’activité physique et sportive. Beaucoup ne possèdent même pas de vélo.

Je crois que ce qu’ils viennent chercher, avant tout,c’est du lien social. À chaque voyage, il se passe des trucs de fou humainement, il y a même des gens qui se rencontrent à un premier trip et qui repartent ensemble après !

« Ce que les gens viennent chercher, c’est d’abord du lien social »

Pourquoi cette folie du gravel ?

Le gravel est le meilleur outil pour voyager. Ce sont des vélos qui traversent les terrains montagneux, les espaces naturels, les pistes, les chemins. Ils peuvent supporter des grandes distances et ils sont légers, tu peux les porter facilement. Si à un moment tu dois marcher sur 300-400 mètres, tu le mets sur l'épaule et tu continues ! Enfin, c’est un vélo accessible, parce qu’il n’est pas très technique et qu’il ne nécessite pas forcément deschaussures adaptées comme le VTT.

Comment vis-tu cette réalité ?

C’est magique, ça me motive encore plus à avancer sur cette marque, Gravel Up, qu’on a voulu inspirante, réunissant des passionnés qui utilisent le voyage à vélo pour se rencontrer et se reconnecter à la nature. Je suis fier de ma génération de 30-45 ans, qui est à l'avant-garde de cette révolution d'un tourisme plus sobre.

Pourquoi l’aventure est-elle tellement portée aux nues en ce moment ?

C'est quand même marrant que l'aventure revienne au premier plan de la scène, alors qu'on est par ailleurs dans une société qui a jamais été aussi superficielle, notamment sur les réseaux sociaux. Je trouve qu'il y a cette espèce de bulle médiatique et à côté de ça, un tas de gens qui vont chercher des expériences beaucoup plus authentiques, pour revenir à l'essence même du voyage.

Nos clients sont pour la plupart assez urbains. Ils travaillent beaucoup, passent leur journée sur les écrans et ils recherchent un retour à la nature pour déconnecter, se retrouver. Moi-même, je vis souvent ce paradoxe, alors que je passe beaucoup de temps en montagne.

« Je suis fier de ma génération de 30-45 ans, qui est à l'avant-garde de cette révolution du tourisme »

Justement, tes ados, tu leur transmets cette passion du gravel ?

J’ai déjà emmené 3 fois mon fils sur des expéditions et c'est incroyable : il revit ! Il apprend aussi beaucoup, car il m’aide à préparer les vélos, à confectionner les pique-nique, à s’occuper des clients, ou encore à vérifier la trace, tester les hôtels quand on part en repérage. Et surtout, c’est un moment magnifique pour des rencontres intergénérationnelles.

Quel a été ton plus beau voyage ?

Le première voyage de presse qu’on a réalisé était absolument fou. Nous avions mis un an à le préparer. C'était un voyage en itinérance en Corse, avec quelques clients, dans des conditions difficiles parce qu'on était en avril et qu’il avait beaucoup neigé. On a découvert le Plateau du Coscione, à 2000 mètres d’altitude, sous la neige. C’était sublime. À tel point que le journaliste a écrit un très beau reportage de 12 pages dans Géo. L’anecdote amusante, c’est que ce reporter, qui n’était pas cycliste, n’a jamais reçu son gravel électrique et qu’il a du ré-angler son article sur notre obsession de trouver la meilleure trace GPX. Et, malgré les tempêtes de neige, les chutes, il a fait tout le voyage en musculaire et il a adoré !

Quel est le format de séjour qui marche le mieux ?

C'est le court-séjour de trois jours de 8 personnes dans le Morvan une destination magnifique et très peu connue. On est accompagnés par un guide local exceptionnel, qui connait chaque terre, chaque sentier. On part de Paris à 13h00 le vendredi en van, les vélos sur le toit, comme une grande famille. On prend l’A6, et on arrive le soir dans le gîte, où le délicieux gratin de la restauratrice d'à côté, nous attend. A peine les pieds dans le gîte, on sent les effluves de soupe et c'est un régal. Ce format, acecssible, cartonne. Les gens sont toujours surpris de la beauté du Morvan, avec ses forêts de pin, ses petits sentiers. Quasiment tous nos clients du Morvan reviennent pour un deuxième voyage.

Comment tu fais pour éviter de tomber dans la performance ?

C'est tout sauf ça. On part ensemble, on arrive ensemble. On a créé une atmosphère où les gens ne sont pas là pour se comparer. Il y a toujours des décalages de niveau entre les participants, mais les plus forts sont là pour aider les plus faibles. Il y avait vraiment un effet de solidarité, parce que tu te retrouves en pleine nature, un peu isolé et que tu as besoin des autres.

« Trop de femmes pensent qu'elles ne sont pas à la hauteur, alors qu’elles sont plus résistantes »

Est-ce que tu as une mixité d’hommes et de femmes dans tes aventures Gravel Up ?

On a eu des voyages 100% femmes de groupes de copines et à chacune de nos aventures, il y a une, deux ou trois femmes. Mais elles restent, à mon grand regret, minoritaires. Ça me désole parce que les femmes adorent, mais elles ont peur de venir avec nous. Il y a un vrai sujet de manque de confiance, qui est franchement frustrant. Parfois, mes clients hommes m’appellent pour convaincre leur conjointe de venir à la sortie. Alors que souvent, elles sont plus fortes que les hommes car elles sont plus résistantes. Mais j'espère changer les choses petit à petit, avec Gravel Up.